Super 8, quand le flou raconte mieux

Mon baccalauréat en histoire me donne une excellente excuse pour traîner dans les brocantes et les antiquaires. Officiellement, j’espère tomber sur une Leica M6 bradée ou un Hasselblad 500 oublié au fond d’une étagère (bon, on peut rêver). Officieusement, j’aime surtout me promener avec ma fille dans ce musée du quotidien d’autrefois. La voir se questionner sur des objets mystérieux ou craquer pour un vieux bibelot, ça vaut tous les appareils photo du monde.

Direction les Cantons-de-l’Est, une région qui regorge d’antiquaires habitués à la clientèle américaine. Autant dire que les « bonnes affaires » se font rares… sauf si vous cherchez ce que les collectionneurs boudent. J’ai déniché un énième Polaroid capable de faire la mise au point de 0,6 à 1,2 m pour 15 $, une cravate verte à motif paisley pour 2 $ et des ciseaux pour gaucher (enfin !) pour 3 $.

Ma vraie pépite ? Deux bobines Super 8 : « Françoise Chalet » et « Voyage dans l’Ouest ». Ce qui m’a le plus touché, ce sont les petites notes manuscrites glissées dans les boîtiers. La première, Chalet, couvre de 1965 à 1982, la seconde, celle sur le voyage : « 4 au 19 juillet 1964 ». 20 $ pour les deux. Je vais les projeter bientôt pour voir les films, la pellicule est en bon état.

Pourquoi le Super 8 me fascine

J’ai expérimenté ce format il y a une quinzaine d’années au Vietnam, Laos et Cambodge. Ces images de 8 mm ont quelque chose de magique : les objets ne sont jamais nets, un léger flou enveloppe tout, créant cette esthétique onirique et nostalgique. C’est comme la mémoire qui oublie les détails, mais se souvient de l’émotion.

Le transfert est pourri et la vidéo est d’une autre époque, mais la nostalgie est intacte

Les films sont muets, on doit imaginer les voix, les rires, les bruits d’ambiance. Cette contrainte force l’imagination, un peu comme la Game Boy Camera m’obligeait à simplifier mes cadrages. Sauf que là, à 150 $ les trois minutes de film, je ne peux pas me permettre de multiplier les essais… Je pense que je dois filmer ma fille au moins une fois avec une de mes caméras Super 8. Pour capturer ce flou qui raconte mieux que la netteté parfaite de nos smartphones. Pour ces images qui vieillissent comme de vrais souvenirs.